INFORMATIONS LOUP

 

Pour la première fois les éleveurs ovins de Saône-et-Loire ont subi ce qu’on pensait jusqu’à il y a peu réservé aux éleveurs des Alpes : des attaques de loup ! Parmi les éleveurs touchés, beaucoup sont adhérents à l’OS Mouton Charollais et notre association a donc été au cœur de cette crise.

Nous avons pu nous rendre compte que le sujet du loup enflamme le grand public, les médias, les réseaux-sociaux, … Entre les « pro » et les « anti-loups », difficile dans tout ça de démêler le vrai du faux ! Cette section de notre site internet est donc née d’une volonté de communiquer des données objectives sur le loup en France, afin de permettre à tous de dissocier les infos et les « intox ».

 

Loup et prédation sur les troupeaux : quelques chiffres

    

  • Les dégâts du loup en Saône-et-Loire :

Les attaques ont eu lieu de juin à novembre 2020 (6 mois)

-        36 attaques, chez 23 éleveurs

-        138 animaux tués

-        Une cinquantaine de blessés

   

  • Les dégâts du loup en France par an (chiffres 2019)

-        3790 attaques de loup

-        12 487 animaux tués ou mortellement blessés

Il faut ajouter à cela les animaux disparus ou non indemnisables (non retrouvés en raison d’un terrain très accidenté, non indemnisables car consommés par des charognards).  

     

  • Le « coût du loup » en France par an (chiffres 2016)

-        Pour le financement des moyens de protection des troupeaux : 22,3 millions d’euros (part de l’Etat) + 5,5 millions d’euros (part des éleveurs)

-        Pour l’indemnisation des pertes : 3,2 millions d’euros

A cela s’ajoute les salaires et les frais de fonctionnement des agents publics affectés au dossier du suivi des loups, des constats d’attaques, du traitement administratif des dossiers, …

 

Les mesures de protection des troupeaux : quelles sont-elles et quelle est leur efficacité ?

   

Dans le cadre du Plan National Loup mis en place au niveau national, qui vise à protéger l’espèce tout en limitant les dégâts pour les activités d’élevage, plusieurs mesures de protection des troupeaux font l’objet d’une aide financière pour les éleveurs : 

-        Aide à l’achat et l’entretien d’un chien de protection,

-        Aide aux investissements matériels (parcs de nuit électrifiés),

-        Aide à l’embauche d’un aide-berger

Ces différentes mesures sont financées à hauteur de 80%. Elles sont déployées de façon massive en France depuis plusieurs années. En revanche on observe malheureusement qu’elles ne se révèlent pas efficaces pour limiter l’impact de la prédation. Au contraire le nombre d’attaques ne cesse de croître, passant de 5 000 animaux tués en un an en 2010 à 12 000 tués en 2017. Aujourd’hui les troupeaux protégés, c’est à dire ayant mis en place au moins deux moyens de protection, représentent 92 % des troupeaux attaqués.

 

 

Nombre d’élevages ayant adopté en France les mesures de protection du troupeau envers les attaques de loups

Source : INRA Productions Animales 2017, 30 (5), 465-478. Données de la DRAAF Rhône-Alpes

 

Evolution du nombre d’animaux d’élevage tués ou mortellement blessés suite à des attaques attribuées à des loups  

Source : INRA Productions Animales 2017, 30 (5), 465-478. Données de la DDT et DREAL Auvergne Rhône-Alpes et de l’ONCFS.

 

L’inefficacité des mesures de protection peut s’expliquer par le caractère particulièrement intelligent du loup et sa grande capacité d’adaptation. En effet, le loup a vite compris comment chasser malgré les moyens mis en place pour éviter la prédation, allant même parfois jusqu’à en tirer profit ! Exemple : le loup peut s’approcher des brebis regroupées en parc de nuit et les effrayer, celles-ci vont alors se bousculer dans le parc et s’affoler jusqu’à défoncer elles-mêmes les filets pour s’enfuir : le loup n’a plus qu’à se servir !  

 

Eliminer les loups qui attaquent les troupeaux : une procédure strictement encadrée

  

Tuer un loup sans autorisation en France est un acte de braconnage puni de 150 000€ d’amende. Ainsi, seules les autorisations de tir prévues dans le cadre du Plan National Loup sont accordées et elles sont strictement encadrées au niveau de leur mise en œuvre par des lieutenants de louveterie et le déplacement de la « brigade du loup » dépêchée par l’OFB (Office Français de la Biodiversité). A noter que le nombre de loups pouvant être prélevés est plafonné à 17 % de la population estimé (soit 90 loups pour l’année 2019). Ce plafond peut être augmenté de 2% s’il est atteint avant la fin de l’année par arrêté du préfet coordinateur du Plan Loup, afin de permettre la poursuite des tirs de défense.

Il n’est donc pas possible d’éliminer n’importe quels loups, au gré des rencontres avec les chasseurs. Il s’agit au contraire de tirs ciblés sur des loups s’attaquant à des troupeaux d’élevage, qui sont qualifiés de « loups à problème » ou encore « loup déviant », en raison de leur spécialisation sur les proies domestiques.

Tous les éleveurs titulaires d’un permis de chasse ont le droit de réaliser des tirs d’effarouchement, c’est-à-dire des tirs non létaux, sans action de recherche du loup, mis en œuvre pour éviter les tentatives de prédation. Ces tirs ne font pas l’objet de formalités administratives. En revanche, lorsque les opérations d’effarouchement s’avèrent insuffisantes pour empêcher les tentatives de prédation du loup, des tirs létaux peuvent intervenir à condition que des mesures de protection soient mises en place. Pour obtenir ces autorisations de tir la route administrative est longue. Chaque demande doit être faite auprès de la DDT et est soumise à autorisation préfectorale.

-        Première étape : le « tir de défense simple ». Le tir ne peut avoir lieu qu’à proximité du troupeau, durant son exposition à la prédation (d’où le nom « tir de défense »). Un seul tireur est autorisé.

-        Deuxième étape, si le tir de défense simple ne s’avère pas efficace : le « tir de défense renforcé ». Dans ce cas ce sont jusqu’à 10 tireurs qui sont habilités à ouvrir feu avec les mêmes règles que précédemment.

-        Dernière étape : « le tir de prélèvement ». Cette étape donne par exemple le droit à l’organisation de battues. Les tirs sont toujours encadrés par les agents de l’OFB et les lieutenants de louveterie.

 

Vrai ou faux : les éleveurs sont indemnisés à hauteur de la perte subie ?

 

Partiellement faux. En effet, si un éleveur a effectivement droit à des indemnisations sur les animaux prédatés suite à l’expertise d’un agent assermenté de l'OFB, toutes les pertes ne sont pas prises en compte.

Pour les animaux tués, les éleveurs touchent une indemnité dont le montant dépend de l’âge de l’animal, de sa valorisation, de son sexe, etc. Pour les animaux disparus l’indemnisation s’élève à seulement 20% de la valeur d’indemnisation d’un ovin tué. Les frais vétérinaire et d’euthanasie des animaux gravement blessés sont pris en compte sur facture avec un plafond.

Si ces pertes directes sont bien prises en compte, malheureusement ce n’est pas le cas des pertes indirectes :

- perte des fœtus lorsque que ce sont des brebis gestantes qui sont tuées

- avortement des brebis survivantes en raison du stress et/ou des bousculades lors de l’attaque

- achat d’aliment, de fourrage et de paille supplémentaire lorsque les brebis sont rentrées en bâtiment pour les protéger des attaques alors qu’elles devraient être dehors à cette période de l’année

- traumatisme du troupeau qui complique le travail de l’éleveur par la suite (brebis stressées, qui ont tendance à s’agiter et ne restent plus calmement en groupe)

Des indemnisations pour pertes indirectes sont quand même versées à hauteur de 100€ pour les troupeaux de 2 à 100 animaux. Malheureusement ce montant ne couvre pas les pertes des fœtus lors des attaques des brebis gestantes et lors des avortements qui suivent l’attaque. En effet c’est toute la génération future d’agneaux qui est compromise dans ce cas !

 

Le loup est-il en voie d’extinction en France ?

    

Le loup est inscrit à la liste des espèces « strictement protégées » dans la Convention de Berne qui a été signée par la France. On pourrait donc penser que oui !

En réalité ce n’est pas si simple… Le seuil de viabilité de l’espèce en France a été estimé par les scientifiques à 500 loups. Si on comptait 292 loups en France 2016, on en compte 527 à la sortie de l’hiver 2018/2019* ! La population est donc assez importante pour être considérée comme viable, stricto sensu l’espèce n’est donc plus en danger en France.

*l’évolution de l’effectif de la population de loups est très suivie en France par l’OFB et est estimée grâce aux comptages directs (pièges photos, loups pucés, …) et aux preuves indirectes de présence (empreintes, déjections).

 

Et comment ça se passe dans d’autres pays ?

    

On entend souvent dire que la cohabitation entre loup et activité d’élevage se passe mieux dans les autres pays. Difficile de savoir sans s’y être déjà rendu… Néanmoins il est certain que dans les pays où les populations sont importantes (Canada, Russie, Scandinavie, etc), les loups ont toujours été activement « régulés », surtout lorsqu’ils s’aventurent à proximité des humains et de leurs animaux domestiques.

Dans les pays limitrophes de la France, les loups sont protégés mais des actes de braconnage sont parfois recensés. Ils sont notamment très fréquents en Italie, où le nombre de loups braconnés a été évalué entre 200 et 300 par an ! Donc non, l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs …  

 

Vrai ou faux :  le loup s’attaque en priorité aux proies sauvages et ne tue les animaux d’élevage que par nécessité ?

   

Faux, malheureusement ce n’est pas si simple que ça ! Comme dit plus haut le loup est un animal doté d’une grande capacité d’adaptation et il a un comportement opportuniste en ce qui concerne son régime alimentaire. C’est en effet un carnivore généraliste qui peut adapter son régime alimentaire en fonction de la zone géographique dans laquelle il se trouve et des proies disponibles. La présence de proies sauvages à proximité n’est pas une garantie qu’il n’attaquera pas les troupeaux. Au contraire les animaux d’élevage étant relativement « simples » à chasser, (dans le cas de la Saône-et-Loire les brebis sont regroupées dans des prés clôturés et de petite taille : trop facile !) le loup n’hésite pas à aller préférentiellement vers ce type de proie. Les tirs étant strictement encadrés, les loups ont bien compris qu’il n’y a généralement pas de danger pour eux d’aller vers les animaux domestiques et de se rapprocher des activités humaines et des habitations pour chasser !

Concernant l’idée disant qu’un loup ne tue que pour se nourrir, là encore la réalité est plus compliquée. En effet, certains loups tuent ou blessent les animaux sans forcément les manger. On peut penser que cela concerne souvent les jeunes loups qui sont en apprentissage et qui « s’amusent » à chasser. C’était le cas du loup qui attaquait en Saône-et-Loire, et qui pour une même attaque a pu tuer jusqu’à 14 animaux pour au final n’en manger qu’une petite partie.

 

Le saviez-vous ? Les spécificités du territoire Charolais qui rend impossible la protection des troupeaux

   

Si la situation est déjà compliquée dans l’arc alpin, les spécificités du bocage charolais nous ont rendu la tâche encore plus difficile pour la mise en œuvre de la protection des troupeaux. En effet, dans les zones de montagne, les troupeaux de plusieurs élevages sont regroupés pour monter tous ensemble en estive à la belle saison. Ce sont donc plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’animaux qui sont regroupés ensemble sur un même territoire d’estive ! Sur notre territoire du Charolais, le paysage est bien différent : il s’agit d’un bocage marqué par la présence de parcelles de petites tailles, délimitées par des haies. Notre système d’élevage est donc basé sur de petits lots d’animaux qui pâturent des parcelles différentes (parfois jusqu’à 10 lots pour un même élevage !). Le coût en temps de travail et en matériel est énorme pour placer des filets sur autant de parcelles !

Pourtant, il n’est pas question de modifier ce paysage bocager qui fait partie de la richesse de notre région en termes de tourisme et également en termes de biodiversité, et sur lequel s’appuie la candidature du territoire au patrimoine mondial de l’UNESCO. Une des solutions qui nous a alors été soumise était de rentrer les animaux à l’abri, dans les bâtiments et ce même à la belle saison. Quid du caractère herbager de notre race ?  Quid des attentes des consommateurs qui veulent du pâturage et une garantie de bien-être animal pour les bêtes ?

Nous sommes fiers de participer à un mode d’élevage extensif, en adéquation avec les attentes sociétales et environnementales d’aujourd’hui, basé sur l’utilisation d’une race herbagère adaptée à notre terroir. Il faut également se rappeler que c’est l’élevage présent historiquement sur la zone qui a façonné le paysage tel qu’on le connaît et qui continue de l’entretenir aujourd’hui. Si la présence du loup venant à obliger les éleveurs à cesser leur activité et/ou à rentrer les bêtes toute l’année pour faire de l’élevage hors-sol, nous aurions beaucoup à y perdre en termes de qualité des produits et en termes de biodiversité.

 

Pour conclure cette rubrique, même si le loup de Saône-et-Loire a été prélevé au mois de novembre, nous savons que le combat face à la prédation n’est pas terminé. En effet, à l'heure où nous publions ces lignes, de nouvelles attaques ont eu lien au nord de la Saône-et-Loire et en Côte d'Or. Les éleveurs ne revendiquent absolument pas l’éradication des loups (même si certaines victimes sous l’emprise du désespoir peuvent à un moment donné prononcer cela sous le coup de la colère). Pour le monde de l’élevage l’objectif est le zéro prédation et non pas le zéro loup, ce qui est bien différent. Notre seul souhait est de pouvoir continuer nos activités d’élevage de plein air, et que nos brebis puissent dormir tranquilles (et nous avec) !